Les oiseaux de la Pommerie, un univers à explorer…

Quand on m’a parlé de faire un article de blogue sur les oiseaux pour accompagner la section Oiseaux de la Pommerie, j’ai pensé vous raconter mes deux coups de foudre « ornithologiques » : le premier pour l’univers des oiseaux auquel m’a initié mon père, le second pour la richesse des espèces qu’on trouve à la Pommerie. Suivent des précisions sur les noms des oiseaux, l’importance de se familiariser avec les chants d’oiseaux et la façon dont a varié la population des oiseaux à la Pommerie au fil des années…

Coups de foudre…

Image du «Pinson» chanteur (maintenant appelé «Bruant» chanteur), telle qu’on la trouvait dans le Taverner (1922)

J’avais douze ans. Nous étions un samedi quelque part en avril et j’aidais mon père à corder notre bois de chauffage dans la cour latérale de notre maison. Et voilà que, soudain, mon père se redresse, tend l’oreille et dit : « Tiens, le Pinson chanteur est arrivé! ». C’était effectivement la période où les premiers migrateurs revenaient sur les bords du Lac St-Jean. Me conduisant prudemment près du terrain qui jouxtait le nôtre à l’arrière de la maison, il me pointe rapidement l’oiseau au plumage brun et à la poitrine rayée qui indiquait déjà à ses pareils l’endroit où il comptait « créer une famille »!

Après le souper, ouvrant le livre Les Oiseaux de l’Est du Canada de P. A. Taverner qui se trouvait dans la maison — la génération de volumes précédant les guides d’identification qu’on trouve aujourd’hui — mon père me montre l’oiseau que nous avions vu dans l’après-midi. Dans les jours qui suivent, je m’amuse à feuilleter le Taverner, m’arrêtant ici et là aux autres dessins d’oiseaux qui s’y trouvaient. Un midi, avant de me rendre à l’école, je retourne à l’arrière de la maison, curieux de savoir si je reverrais le Pinson chanteur… Tout à coup, mes yeux s’écarquillent : deux des images que j’avais vues dans le Taverner sont devant moi, bien vivantes et non plus simplement des dessins! Affichant tous deux des bandes noir et blanc sur la tête, le Pinson à gorge blanche et le Pinson à couronne blanche m’invitent à les découvrir : c’est le coup de foudre !

Images du «Pinson» à gorge blanche et du «Pinson» à couronne blanche (maintenant appelés «Bruants»), telles qu’on les trouvait dans le Taverner (1922).

Presque vingt ans plus tard, le 24 juin 1977 pour être exact, je viens camper à la Pommerie, qui en était à sa première année officielle d’existence. Le lendemain matin, je me lève à la barre du jour et, armé de mes jumelles, je me mets en quête de découvrir quels oiseaux fréquentent la Pommerie et constate que la variété y est grande : deuxième coup de foudre!

Les noms des oiseaux, qu’en est-il au juste?

Pour bien se comprendre quand on parlera des oiseaux qu’on trouve à la Pommerie, disons quelques mots sur les noms d’oiseaux. On parle aujourd’hui de Bruant chanteur pour désigner l’oiseau que mon père avait appelé « Pinson » chanteur, tout comme il est aujourd’hui d’usage de parler de Paruline plutôt que de Fauvette comme on le faisait à l’époque (certains s’en rappelleront peut-être…) En fait, beaucoup d’autres espèces d’oiseaux ont changé de nom depuis cette époque et d’autres modifications surviennent régulièrement; on peut aisément le constater en comparant les guides d’identification récents avec ceux publiés quelques années auparavant. Les raisons de ces changements sont diverses, les principales étant le besoin d’harmonisation dans l’ensemble de la francophonie, le souci d’avoir des noms décrivant bien un oiseau ainsi que l’avancement des connaissances ornithologiques concernant l’appartenance d’une espèce à un groupe plutôt qu’à un autre.

Les changements de « Pinson » en Bruant et de « Fauvette » en Paruline sont parmi ceux qui ont créé le plus de remous au Québec lorsque s’est fait sentir de façon pressante le besoin d’uniformisation en raison de l’accroissement des communications facilitées par les réseaux de télévision et l’arrivée d’Internet. Le cas du terme « Fauvette » est particulièrement instructif sur ce point. Cette appellation avait été donnée à tort par ceux qu’on appelle typiquement « les anciens Canadiens », qui n’étaient pas des experts, à un type d’oiseau indigène à l’Amérique du Nord mais qui ressemblait à un groupe d’oiseaux qu’on connaissait en Europe sous le nom Fauvette. La tradition s’est installée mais il a fallu par la suite souligner la différence entre les Fauvettes qu’on trouve en Europe et les espèces auxquelles on avait attribué ce nom au Canada français.

Je me rappelle ainsi qu’à l’époque où j’ai commencé à m’intéresser aux oiseaux, je me suis senti « offusqué » du haut de mes douze ans en constatant que le Larousse parlait de « Fauvettes du Nouveau Monde » pour référer à « nos » Fauvettes… comme si ce n’en était pas de « vraies »! Comme je l’ai appris plus tard, ce cher Larousse avait raison de faire la distinction. C’est d’ailleurs afin d’éliminer une fois pour toutes cette ambiguïté que le terme Paruline a été créé pour désigner nos « Fauvettes », appartenant en fait à la famille des Parulidés.

L’Oriole de Baltimore, appelé Loriot de Baltimore dans le Taverner (1922), a été par la suite nommé Oriole orangé puis Oriole du Nord, avant de se voir attribuer son appellation actuelle. (Photo : Danielle B. et Pierre L.)

De nombreux autres changements de noms ont été effectués ces dernières années. Aussi, pour éviter de créer certaines confusions, nous ajouterons entre parenthèses, lorsque cela semblera pertinent, l’ancien nom d’une espèce; exemple : Oriole de Baltimore (O. orangé, O. du Nord). Autre précision qui peut s’avérer utile : selon la source consultée, les familles d’oiseaux sont présentées tantôt sous leur forme latine (ex. : Parulidae, Anatidae), tantôt sous leur forme française (ex. : Parulidés, Anatidés); c’est cette dernière forme qui est utilisée sur le site de la Pommerie.

Se familiariser avec les chants d’oiseaux, un atout précieux

Le Piranga (Tangara) écarlate, un oiseau aux superbes couleurs, discret mais aisément repérable si l’on sait reconnaître son chant. (Photo : Danielle B. et Pierre L.)

La réaction de mon père me faisant remarquer la présence du « Pinson » chanteur (comme on l’appelait alors) illustre l’intérêt qu’il y a à reconnaître les oiseaux à partir des sons qu’ils émettent. En effet, identifier par leur chant quels oiseaux sont présents dans l’environnement permet de savoir « qui est là et qui aller voir ». Je me rappelle par exemple, lors d’une visite matinale guidée sur le site de la Pommerie, avoir entendu le chant du Piranga (Tangara) écarlate alors que nous étions dans les McIntosh. Enjoignant le groupe de me suivre, je leur dis que je vais leur montrer un oiseau rouge vif avec la queue et les ailes noires. Guidé par le chant, j’entraîne le groupe — dont quelques-uns semblaient sceptiques — près de la piscine et braque ma lunette (« téléscope ») sur l’oiseau qui chante à la cime d’un arbre : chacun et chacune ayant à son tour la possibilité d’observer l’oiseau à travers la lunette, même les sceptiques sont confondus… et émerveillés!

Dès qu’on commence à se familiariser avec les sons (chants, cris, bruits, etc.) produits par les oiseaux, on réalise qu’ils présentent une grande diversité, non seulement entre les espèces mais également à l’intérieur d’une même espèce. Par ailleurs, on constate rapidement que, pour bon nombre d’espèces, le nombre de sons typiques est relativement restreint. Quelques suggestions peuvent ici être utiles…

  1. Lorsque vous entendez un son que vous ne reconnaissez pas, tâchez de localiser l’oiseau qui l’émet. Si vous avez de la difficulté à le localiser, tant mieux : vous aurez eu l’occasion d’entendre le son plusieurs fois et de mieux mémoriser sa structure; quand vous apercevrez « le coupable », les chances seront plus grandes d’associer le son avec l’espèce que si vous aviez aperçu l’oiseau dès le début.
  2. Quand vous tentez de vous familiariser avec un chant, prêtez attention à sa structure : est-il émis d’une traite (comme le Troglodyte familier) ou par strophe (comme le Merle d’Amérique)? est-il généralement ascendant (comme la Grive solitaire), descendant (comme la Grive fauve) ou sur la même tonalité de base (comme le Roselin pourpré)? énergique (comme le cri d’alarme du Geai bleu) ou plutôt discret (comme le Merlebleu de l’Est)?
  3. Commencez avec les sons que vous êtes susceptibles d’entendre plus souvent et qui pourront vous servir de point de comparaison pour apprendre les sons d’autres espèces. Le Merle d’Amérique peut servir ici d’exemple : comme c’est une espèce répandue, on a facilement l’occasion d’apprendre son chant,

    Le Cardinal à poitrine rose, dont on dit du chant qu’il fait penser à un Merle qui aurait « mal à la gorge ». (Photo : Danielle B. et Pierre L.)

    composé de trois ou quatre strophes « turlutées ». Une fois que vous aurez appris à le reconnaître, il sera facile d’identifier le chant du Cardinal à poitrine rose : composé également de différentes strophes mais très rapprochées les unes des autres, ce chant peut être décrit comme celui d’un Merle pressé. Le chant du Piranga (Tangara) écarlate est également composé de différentes strophes, comme le Merle, mais le timbre

    Le Merle d’Amérique, une espèce répandue dont le chant peut servir de repère pour apprendre à reconnaître d’autres oiseaux, tels que la Piranga (Tangara) écarlate ou le Cardinal à poitrine rose. (Photo : Danielle B. et Pierre L.)

    est plutôt guttural : le célèbre Roger Tory Peterson disait qu’il chantait comme « un Merle qui a mal à la gorge »! Quand on l’a entendu une fois avec cette comparaison en tête, on ne l’oublie pas…

     

Les oiseaux à la Pommerie au gré des années…

La population d’oiseaux qu’on trouve à la Pommerie a souvent varié depuis l’ouverture de la Pommerie à l’été ’77. Les premières années, par exemple, l’Oriole était omniprésent. Or, une période a suivi, grosso modo à partir des années ’90 jusqu’aux premières années 2000, où l’oiseau était quasi absent. Depuis une dizaine d’années, il est redevenu très présent, comme en témoigne son chant qu’on entend à nouveau régulièrement en mai et juin.

À l’inverse, certaines espèces ne sont plus présentes comme, par exemple, le Goglu des prés. Cet oiseau qui niche parmi les herbes sur le sol dans les champs était facilement observable les premières années là où a été créé par la suite le terrain de balle-molle. On en trouvait également dans le champ qui jouxte les secteurs Melba et Lobo; or, il y a longtemps que je ne l’y ai pas aperçu…

Rare à la Pommerie les premières années, le Cardinal rouge fait maintenant partie de notre quotidien. (Photo : Danielle B. et Pierre L.)

Toutefois, de nouvelles espèces sont maintenant régulières à la Pommerie. C’est le cas par exemple du Cardinal rouge, qui avait été signalé de façon accidentelle les premières années. Le Dindon sauvage est une autre espèce dont la présence est maintenant plus marquée, notamment du côté du Boisé.

La Grande Aigrette, un oiseau peu fréquent dont un individu a séjourné au petit lac trois semaines à l’été 2004. (Photo : Jean L.)

Il est également intéressant de souligner le passage de certaines espèces au petit lac. C’est le cas de la Grande Aigrette, qui est restée chez nous environ trois semaines à l’été 2004. Visiteuse exceptionnelle car rarement présente au Québec à l’époque, elle est de plus en plus régulièrement signalée dans la belle province. L’été 2009 a également vu le lac héberger une famille de Bernaches du Canada. Malheureusement, ces oiseaux déposaient sur la plage des « traces noires fort désagréables » qui ont amené les dirigeants du camping à les empêcher de s’installer à nouveaux l’année suivante. Par ailleurs, notre belle saison 2018 a vu s’épanouir sur le lac une famille de Harles couronnés, une espèce appartenant à la famille des Anatidés correspondant à ce qu’on appelle « Canards » pris au sens large. Comme le mâle quitte  « le ménage » dès que la femelle commence à couver, seules quelques personnes ont pu l’observer en début de saison. À la mi-juillet, la petite famille, la femelle et ses huit jeunes, décorait encore notre paysage, au grand bonheur autant des membres que des visiteurs.

À suivre…

Espérant que les quelques sujets abordés ci-dessus vous aideront à mieux découvrir la faune ailée de ce « petit paradis » qu’est la Pommerie, je m’arrête ici pour cette chronique du blogue sur les oiseaux; je compte éventuellement y revenir avec des sujets tels que :

  • Les différences de plumage entre les sexes : sont-elles présentes chez toutes les espèces? est-ce le mâle qui est toujours le plus beau? pourquoi?
  • La différence entre « chant » et « cri » : une distinction claire?
  • Qui chante : mâle et/ou femelle?
  • Jusqu’à quel point y a-t-il beaucoup d’espèces dans notre environnement?

Ornithologiquement vôtre,

Guy « Les oiseaux »

Référence bibliographique : Taverner, P. A. (1922). Les oiseaux de l’Est du Canada (2e éd.). Ottawa : Ministère des mines.